L’activité commerciale a grandement évolué suite à la récente mutation du mode de vente, mutation qui couvre désormais les défis nouveaux et émergents rencontrés par les consommateurs dans le cadre du marché ultra-dynamique du commerce électronique ou e-commerce. Ce dernier permet aux consommateurs d’accéder à toute une gamme de biens et de services, y compris des contenus numériques proposés par des entreprises pratiquant des prix compétitifs et offrant des solutions de paiement adaptées. Ce caractère innovant permet aux consommateurs de réunir, comparer, examiner et partager des informations au sujet de biens et services favorisant l’émergence de nouveaux modèles économiques dont les transactions entre consommateurs sont le cœur.
Face à cette facilité et à la rapidité avec lesquelles il est possible de participer au e-commerce, à tout moment et en tout lieu, les consommateurs peuvent se retrouver dans des situations qui leurs sont inhabituelles, susceptibles de compromettre leurs intérêts. Ils peuvent craindre une utilisation de leurs données personnelles à des fins publicitaires ou marketing, une vente de leurs données par des entreprises sans leur consentement préalable voire une perte de leurs données ou une usurpation de leur identité.
Alors, comment les entreprises vietnamiennes doivent-elles protéger les e-consommateurs ? Quelles bonnes pratiques en matière de protection des données personnelles les entreprises vietnamiennes peuvent-elles observer ?
Au vu des risques croissants pour la vie privée et la sécurité auxquels les consommateurs sont exposés dans le cadre du commerce électronique, le droit vietnamien apporte quelques solutions quant à la conservation de l’information et des données personnelles des e-consommateurs.
I Des dispositions légales pour protéger les consommateurs vietnamiens
Des textes juridiques destinés à redonner confiance aux e-consommateurs
Au Vietnam, les textes fondamentaux concernant la protection des données personnelles dans le cadre du e-commerce sont la loi N°59/2010/QH12 sur la protection des intérêts des consommateurs, la loi N° 51/2005/QH11 sur la transaction électronique, la loi N° 36/2005/QH11 sur le commerce, la loi sur l’information technologique de 2006, le décret N° 57/2006/ND-CP du 9 juin 2006 sur le commerce électronique et la circulaire 9/2008/TTBCT du 21 juillet 2008 du Ministère du Commerce et de l’Industrie guidant le décret sur le commerce électronique.
A côté de ces textes désormais anciens, de plus récents viennent actualiser et renforcer cette protection. Nous pouvons citer la loi N°104/2016/QH13 du 6 avril 2016 sur l’accès à l’information, le décret N°72/2013/ND-CP sur la gestion et l’utilisation des services de fourniture d’internet et informations en ligne, le décret N°90/2008/ND-CP contre le spam, le décret N°28/2009/ND-CP sur les sanctions des violations administratives dans la gestion et l’utilisation de services internet et d’informations en ligne, la circulaire N°17/2016/TT-BTTTT du 28 juin 2016 sur les Procédures d’enregistrement et de réglementation des services et informations via les réseaux cellulaires.
Des principes classiques de protection au service des e-consommateurs
En vertu de ces textes, tout traitement de données personnelles doit avoir reçu le consentement de la personne concernée qui bénéficie, par ailleurs, d’un droit d’accès, de rectification et d’opposition aux données personnelles la concernant. Autrement dit, le Vietnam, tout comme la France (par la loi dite « Informatique et Libertés » adoptée le 6 janvier 1978 et modifiée par la loi du 6 août 2004) exige des entreprises le respect de certaines obligations notamment :
Recueillir l’accord des clients ;
Informer les clients de leur droit d’accès, de modification et de suppression des informations collectées ;
Veiller à la sécurité des systèmes d’information et à la confidentialité des données ;
Indiquer une durée de conservation des données.
II Opposition à l’utilisation des données personnelles à des fins de prospection commerciale
La législation vietnamienne reconnaît à chacun le droit de s’opposer à l’utilisation ou la cession des données nominatives le concernant. Ce droit permet ainsi au consommateur de se protéger contre différentes formes de prospection commerciale de la part de professionnels utilisant ses données personnelles. Plusieurs mécanismes existent, permettant au citoyen vietnamien d’exercer ce droit d’opposition :
Contre l’envoi de spam ou de certains courriels publicitaires
La prospection directe au moyen de courriels destinés à promouvoir, directement ou indirectement, des biens ou des services et utilisant les coordonnées personnelles d’une personne qui n’a pas exprimé préalablement son consentement à recevoir des prospections directes par ce moyen est interdite, conformément à l’article 7, 8 et 12 du décret N°90/2008/ND-CP contre le spam.
Tout internaute peut, en effet, en vertu du droit d’opposition de ce décret, s’opposer à la réception de messages commerciaux qui lui sont régulièrement adressés par courrier électronique. En effet, il peut, en général, cliquer sur un lien du message commercial réservé à cet effet. La loi vietnamienne impose un délai de 24 heures à l’entreprise pour stopper ces envois après la réception du message d’op-out du consommateur. Le non-respect de cette interdiction pourrait appeler à des réparations telles que prévues aux articles 31 et suivants du décret contre le spam ainsi que des dispositions du décret N°28/2009/ND-CP sur les sanctions des violations administratives dans la gestion et utilisation des services internet et d’informations en ligne.
Une liste d’opposition qui ne dit pas son nom
Ce dispositif connu en Europe sous le nom de « liste d’opposition » permet de mettre fin aux appels commerciaux et publicitaires indésirables. En France, il est clairement exprimé en termes de liste d’opposition des compagnies téléphoniques, liste d’opposition au démarchage téléphonique et il existe même une liste d’opposition prévue par le code de la consommation. Les consommateurs peuvent s’inscrire sur ces listes afin d’éviter des appels et messages qui les dérangent. Mais il sied de comprendre aussi que les entreprises n’utilisent pas seulement l’annuaire téléphonique pour leur prospection commerciale. Elles recourent fréquemment à des fichiers constitués de leurs propres clients ou prospects, qu’elles revendent ou louent à d’autres entreprises.
C’est pourquoi, la loi vietnamienne, au regard du décret contre le spam et de la circulaire N°17/2016/TT-BTTTT du 28 juin 2016 sur les Procédures d’enregistrement et de réglementation des services et informations via les réseaux cellulaires, interdit toute action de ce genre sans l’accord des consommateurs. De même, la loi interdit la vente ou la location de fichiers contenant les données téléphoniques et les coordonnées de consommateurs inscrits sur une liste d’opposition ou fichier op-out. Le professionnel ne respectant pas ces dispositions s’expose à des amendes administratives. Notons qu’en France ce dispositif est très développé et que toute entreprise ne respectant pas ce mécanisme de liste d’opposition s’expose à des poursuites pénales.
III La nécessaire mise en place de bonnes pratiques par les sociétés installées au Vietnam
Vie privée et sécurité
Les entreprises doivent protéger la vie privée des consommateurs en s’assurant que leurs pratiques en matière de collecte et d’utilisation des données les concernant sont licites, transparentes et loyales, et qu’elles permettent la participation des intéressés et l’exercice de leur liberté de choix tout en offrant des garanties de sécurité satisfaisantes.
Les entreprises doivent gérer le risque de sécurité numérique et mettre en œuvre des mesures de sécurité propres pour en réduire ou en atténuer les effets préjudiciables concernant la participation des consommateurs au e-commerce. Les entreprises ne peuvent pas chercher à restreindre la possibilité, pour un consommateur, de formuler un avis négatif, de contester des frais, ou encore de consulter ou de déposer une plainte auprès d’agences gouvernementales ou autres organismes compétents.
Sensibilisation et renforcement des compétences numériques
Les entreprises, avec le soutien du gouvernement vietnamien, peuvent collaborer pour éduquer les consommateurs en matière de commerce électronique afin de favoriser la prise de décisions éclairées. Ils peuvent s’employer à sensibiliser davantage leurs clients au sujet du cadre de protection des consommateurs qui s’applique à leurs activités en ligne, y compris au sujet de leurs droits et devoirs respectifs. Elles peuvent également travailler de concert pour améliorer la compétence numérique des consommateurs, dans le cadre de programmes d’éducation et de sensibilisation destinés à renforcer les connaissances et les compétences nécessaires en matière de technologie numérique. On pourrait imaginer la mise en place de telles politiques dans le cadre de leur communication institutionnelle, leur politique RSE, la participation à des groupes dédiés au sein de chambres de commerce…
Dans tous les cas, les Etats doivent porter une attention particulière à la sécurité et à l’efficacité de leur système informatique et la légalité de leurs envois et pratiques emailing, tant au regard du contenu que du processus.
Nadia Lakhnati, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)
FIDAL Asiattorneys, cabinet d’affaires en ASEAN