C’est l’évènement de cet été, l’application Pokémon GO de Niantic en association avec Nintendo a envahi plusieurs pays, dont la France depuis le 24 juillet 2016 et maintenant le Vietnam ou encore le Cambodge. Le jeu en réalité augmentée, téléchargé entre 50 et 100 millions de fois sur le Play Store de Google, continue à aligner les records. Néanmoins, de nombreux faits divers, plus ou moins cocasses, ont révélé les risques liés à l’utilisation de Pokémon GO et de la réalité augmentée. Déjà dans le viseur des juristes depuis plusieurs années, cette technologie vient de se démocratiser avec ce jeu et le droit devra rapidement accompagner ce phénomène de société afin d’éviter les débordements.
Atteinte à la propriété privée :
Une des particularités de Pokémon GO est l’utilisation de la réalité augmentée, une technologie permettant la superposition d’informations sur le monde réel, en l’occurrence un Pokémon sauvage que le joueur doit attraper. Si les petites créatures sont nombreuses à se cacher dans des lieux publics, il est également possible de croiser un PIKACHU dans son propre jardin, l’emplacement des Pokémon étant généré aléatoirement. De nouvelles formes d’atteintes à la vie privée peuvent donc apparaitre car Niantic place des éléments virtuels de son jeu sur des propriétés privées bien réelles mais sans l’accord des propriétaires. Ces derniers deviennent totalement impuissants face à cette situation qui peut parfois engendrer de vraies violations de propriété par des joueurs trop téméraires.
Atteinte à la vie privée de l’utilisateur :
Dans Pokémon GO, le joueur contrôle via son smartphone un avatar sur une carte du monde directement liée à sa position sur Terre. Pour les besoins de l’application, la réalité augmentée est donc couplée avec la géolocalisation du joueur, ce qui soulève quelques interrogations. En acceptant la politique de confidentialité de Pokémon GO, l’utilisateur autorise Niantic à suivre sa position lors de chaque utilisation de l’application. Néanmoins, la position des Pokémon étant aléatoire et temporaire, le joueur augmente ses chances de rencontrer un Pokémon rare (au temps d’apparition très faible) en maintenant le jeu constamment ouvert ce qui permet à Niantic de suivre plus facilement ses déplacements au quotidien.
Niantic reste également flou sur sa politique de confidentialité et se réserve le droit de collecter les informations personnelles des usagers dont l’accès est facilité par la connexion obligatoire au compte Google de l’utilisateur de Pokémon GO. Cet accès aux informations personnelles fût toutefois limité suite aux nombreuses plaintes de joueurs envers Niantic, ancienne filiale de… Google ! L’éditeur s’autorise toutefois à transmette des données personnelles à des entreprises tierces ou à envoyer des publicités en fonction de la localisation du joueur. La réalité augmentée présente donc des risques d’atteinte à la vie privée parfois très sérieuses comme à Dubaï où la police est équipée de «Google Glass», lunettes à réalité augmentée intégrée. Cette technologie permet aux forces de l’ordre de filmer discrètement les personnes croisées et de synchroniser l’image avec la base de données des délinquants pour faciliter leurs arrestations.
Atteinte potentielle à la vie des affaires :
En partant à la chasse au Pokémon, les utilisateurs de Pokémon GO sont amenés à prendre des captures d’écran de leurs créatures puis de les partager sur les réseaux sociaux. Les joueurs photographient ainsi, sans autorisation, des espaces privés (bureaux, jardins…) ou des lieux publics qui interdisent l’utilisation d’appareils d’enregistrement comme les casinos ou certains musées. Le danger est encore plus important avec les technologies de type «Google Glass» que des salariés pourraient utiliser discrètement sur leurs lieux de travail afin d’enregistrer des informations confidentielles et ainsi porter atteinte au secret des affaires.
Ce risque est bien réel avec le jeu Pokémon GO car Niantic calibre l’apparition de Pokémon en fonction des sites fréquentés par l’utilisateur dont son lieu de travail. La photo d’un Pokémon apparu sur votre bureau peut potentiellement être dangereuse si des documents confidentiels y figurent en arrière-plan et que la capture d’écran est ensuite partagée sur internet.
Atteinte à la propriété intellectuelle :
Dans Pokémon GO, les boutiques ou les arènes sont des lieux précis sur la carte du jeu qui correspondent à des emplacements populaires dans le monde réel comme certains monuments. Niantic utilise donc des photos de ces sites pour les besoins de son application, engendrant des difficultés en droit de la propriété intellectuelle propre à chaque pays. Aux Etats-Unis, où le jeu est disponible depuis le 6 juillet, il existe une liberté de panorama, une exception au droit d’auteur qui permet d’utiliser, gratuitement et sans autorisation, des photos et des vidéos de bâtiments se trouvant dans les espaces publics.
En France, cette liberté de panorama vient d’être consacrée mais reste plus limitée. Le nouvel alinéa destiné à l’article L. 122 5 du code de la propriété intellectuelle, indique que les auteurs ne peuvent interdire «les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des personnes physiques, à l’exclusion de tout usage à caractère commercial». Il est fort probable que Niantic soit sur ce point assigné en justice, la société utilisant les images de monuments à titre commercial pour son application via la réalité augmentée.
L’avenir de la réalité augmentée :
Avec la déferlante Pokémon GO, nul doute que les applications utilisant la réalité augmentée se multiplieront dans les mois prochains et le droit devra accompagner rapidement cette nouveauté pour endiguer certains risques encore mal connus. Une application virtuelle unique dirigeant tous ses utilisateurs vers une poignée d’endroits réels concentre en effet les risques sur un périmètre restreint ; outre les embouteillages ou accidents de la circulation qui sont déjà à déplorer, qui sera responsable si l’un de ces sites devient dangereux par la présence d’un criminel utilisant l’application comme appât et qu’un joueur est blessé ? Aux Etats-Unis, un sénateur demande déjà le blocage de l’application à certains délinquants.
A surveiller de près : des risques liés à une application virtuelle qui sont malheureusement bien réels…